Shri Jagadguru Adi Sankaracharya
Adi Shankara connu aussi en tant que Shankaracharya naît dans le petit village de Kaladi, dans le Kerala, au sud de l’Inde.
On raconte que Shiva apparait à ses parents, leur laissant le choix entre une progéniture nombreuse mais peu brillante, et un seul enfant dont la vie serait courte mais admirable. Le couple ayant opté pour la seconde proposition, c’est Shankara qui poussé par l’ascétisme souhaite prendre le statut de Sanyasin. Un crocodile manque de lui arracher la jambe, rappelant à sa mère qu’elle doit le laisser renoncer à toute vie familiale pour accomplir son destin.
Shankaracharya se met alors à la recherche d’un guru. Il part pour le centre de l’Inde où il rencontre au bord de la rivière Narmada, un disciple du grand Gaudapâda, auteur des Mandukya Karikas (un commentaire fameux de la Mandukya Upanishad). Ce disciple, nommé Govinda, l’initie à l’ordre ascétique de Sanyas. Dès lors, Sankaracharya va pérégriner à travers le pays, composant des commentaires des textes sacrés de l’hindouisme. Rencontrant au cours de ses voyages de nombreuses autorités de différentes écoles, Sankaracharya se révèle être un formidable orateur, ne cessant de mettre les spéculateurs devant leurs contradictions.
La tradition enseignée par Sankaracharya est connue sous l’expression de « non-dualité » (Advaita), c'est-à-dire la considération de la Réalité Absolue (Brahman), au-delà de toute opposition, y compris entre Être et Non-Être, au-delà de toute détermination, même de l’unité qui est la première d’entre elles. Cette Tradition, qui fut celle enseignée de tout temps par le Védantâ, se retrouve partout dans les commentaires faits par Shankara.
Suivi désormais par de nombreux disciples, il se rend au Cachemire, où se trouve un trône dédié à Saraswati, et sur lequel seul celui qui remportera tous les débats entre les brahmanes présents pourra s’asseoir, chose qui n’est jamais arrivée. Sankaracharya se défait sans problème de ses adversaires et peut prendre place en ce lieu sacré sous les auspices de la déesse. A 32 ans, Shankaracharya meurt à Kédarnath dans l’Hymalaya.
Sankaracharya est le fondateur de dix ordres monastiques, dits dashanâmî dont les moines portent le plus souvent, mais pas impérativement, après leur nom propre, celui de l’ordre : Bhârati, Saraswati, Sâgara, Tirtha, Purî, Ashrama, Giri, Parvata, Aranya et Varna. Il a établi quatre grands monastères appelés Amnâya muths sensiblement aux quatre points cardinaux de l’Inde :
Shrîngeri (au Karnataka- Sud), Purî (en Orissa – Est), Dvaraka (au Gujerat – Ouest) et Jyotirmath (en Uttar Pradesh – Nord).
La Chinmaya Mission est rattachée au Muth de Srîngeri, c’est pourquoi les
Swamis portent après leur nom celui de Saraswati et les Brahmacharis celui de
Chaitanya.
Sankaracharya est aujourd’hui encore regardé comme un des plus grands maîtres, sinon le plus grand, par de nombreux hindous. Probablement du fait que dès son époque, en plus de son activité purement métaphysique et « théologique », il a été le gardien de la tradition védantique face aux écoles de pensée alors répandues et dont certaines contenaient des pratiques pour lui répréhensibles : à ce titre il est connu sous le titre de « shanmatasthâpanacharya » (shan=6, mata =croyances, sthâpana =qui préserve, qui rétablit, âchârya=le maître, celui qui connait les règles).
Les européens ont commencé à le connaître par l’œuvre de René Guénon, qui le considérait comme l’un des plus grands maîtres de la pure métaphysique, et qui exposa en français une partie de ses commentaires du Védantâ dans plusieurs de ses ouvrages et articles (l’Homme et son devenir selon le Védantâ, introduction générale à l’étude des doctrines hindoues, les états multiples de l’Être, et de nombreux articles).
L’importance de Sankaracharya :
Une des caractéristiques de la pensée indienne que nous devons garder en mémoire est qu’elle se défie de l’individualisme tout en laissant par contre une large place à l’interprétation et l’innovation.
Les mêmes textes d’un âge immémorial (antérieur à l’écriture) y sont sans cesse réadaptés aux conditions de chaque époque. Ces textes fondamentaux forment un corpus reconnu de tous et désigné sous le vocable de « Upanishads » (Connaissance ultime). C’est le ciment de la culture indienne et un héritage aussi précieux que jalousement préservé.Contrairement à ce qui est généralement admis dans la pensée occidentale, cette continuité est un gage fondamental de fiabilité et de crédibilité : les aspirants de chaque génération ont la certitude de ne pas être égarés par les dérapages (volontaires ou non) de guides qui ne connaissent pas leur sujet ou veulent se débarrasser de l’héritage culturel qui les a forgés.
Dans cette lignée de commentateurs, certains tiennent une place prédominante à cause de la pertinence de leurs vues, de la clarté de leurs exposés ou encore de l’adhésion populaire qu’ils ont suscitée. Et c’est précisément pour toutes ces raisons à la fois qu’ Adi Sankara, pourtant né au 8è me siècle, est de nos jours encore reconnu de toute l’Inde spirituelle comme le grand Maître du Védantâ.
Ce qui fait l’importance de l’apport de Sankara c’est que d’emblée il pose le principe que seule existe la Conscience Pure (Brahman) qui est Vie, Connaissance et Béatitude (Sat Chit Ananda). Toute la manifestation (Prakriti) n’en est qu’un reflet, une simple apparence.
Shankara propose ensuite une voie, une méthode pour s’ établir concrètement dans cette seule réalité et mettre ainsi fin à toutes nos fausses identifications.
Ses commentaires sur les textes sacrés (Upanishads, Bhâgavad Gîtâ, Brahmâ Sutra), ses propres écrits (Bhâjâ Govindam, Viveka Choodamani) sont des merveilles littéraires et intellectuelles qui sont de nos jours la base même de l’enseignement des Ashrams les plus éminents. A la fois poète, visionnaire, psychologue et enseignant, Sankara propose toujours une approche concrète du Védantâ avec un souci constant de conduire l’aspirant à une pratique spirituelle plus efficace.
Bien d’autres choses sont à mettre à son actif telle la création des Muths, les joutes avec les autres écoles de pensées ou la reconstruction de temples primordiaux, faisant de Adi Shankara , l’homme qui a, dans la brève vie qui lui était impartie, ressuscité la Tradition Eternelle de Bhârat (Vaïdika Sanathana Dharma) à une époque où elle était gravement menacée.